CHAPITRE 10

 

Le soleil était couché depuis quelque temps lorsque Nicolas vint retrouver Dahlia. Elle était assise sous les arbres, telle une jolie poupée de porcelaine. Sa peau était si parfaite qu’elle semblait luire sous la lune. Quelques feuilles et brindilles s’étaient accrochées dans sa chevelure, mais au lieu de le distraire du magnifique tableau qu’elle offrait, la vue de ses cheveux ébouriffés éveillait en lui des images de nuits torrides et d’amour débridé. Une nappe blanche qu’elle avait décorée de fleurs de lilas était étendue sur le sol. Il vit également deux assiettes en carton remplies de poulet froid, de haricots et de riz.

— Tu as pris un coup de soleil, lui dit-elle avec un sourire accueillant.

— Tu n’as pas chômé, lui fit-il remarquer.

Il tiquait un peu à l’idée qu’elle soit allée faire des courses alors que l’ennemi était si proche, mais il garda ses réflexions pour lui.

— Je me suis dit que tu serais affamé après une journée en plein soleil.

Il était déjà en train de boire, laissant l’eau lui rafraîchir la gorge. Il était mort de soif. Il avait laissé la gourde à Dahlia, et même si le fleuve lui avait assuré une certaine fraîcheur, il était tout de même déshydraté.

— C’était bien vu.

Il avait chaud et se sentait d’une saleté repoussante.

— Si tu veux te laver, j’ai découvert une petite remise de jardin de l’autre côté des arbres, avec un évier et l’eau courante. (Dahlia sauta sur ses pieds.) Suis-moi, je vais te montrer.

— Je trouverai tout seul, merci.

La regarder lui faisait mal. Il voyait clairement que, en ce qui concernait Dahlia, il avait atteint le point de non-retour. Il prit son sac et partit dans la direction qu’elle lui avait indiquée. Même ses poumons semblaient ne pas vouloir fonctionner lorsqu’elle était là. À un moment indéterminé, leurs rôles, d’une certaine façon, s’étaient inversés. Il avait toujours été du genre calme, parfaitement maître de ses émotions, et Dahlia avait été le contraire. Mais il était prêt à jurer qu’elle avait fait quelque chose pour changer tout cela. Il était parti sur le terrain, et tout s’était déroulé exactement comme prévu, mais il avait suffi qu’il revienne et qu’il la voie pour que tout se détraque de nouveau. Il ne savait jamais que faire lorsqu’il la regardait, et cela le mettait vraiment mal à l’aise. Ses yeux, en particulier, le hantaient.

Au plus profond des pupilles de Dahlia, chaque fois qu’il croisait son regard, il entrapercevait des cicatrices, de terribles blessures qui ne s’étaient jamais véritablement refermées, toujours à vif, douloureuses et cachées du reste du monde. Mais lui pouvait les voir, et savait que son destin reposait entre les mains de Dahlia. Il était sur terre pour la guérir. On lui avait assuré à maintes reprises qu’il avait ce talent en lui, mais lorsqu’il la regardait et qu’il la touchait, il ne sentait pas ces douleurs du passé s’atténuer. Pire, il avait l’impression d’alourdir le fardeau de la jeune femme.

Nicolas trouva la petite cabane derrière un atelier un peu plus grand. Il ôta sa chemise sale mais ne prit pas la peine de changer de pantalon. Dahlia et lui allaient passer beaucoup de temps dans l’eau et il voulait garder quelques habits secs.

Il se lava minutieusement et se rinça même les cheveux. Pour la première fois de sa vie, il s’intéressait à son apparence.

Lorsqu’il revint vers Dahlia, cette dernière arborait toujours le même sourire déterminé.

— Viens manger, Nicolas. On ne peut rien faire tant qu’il ne fait pas nuit noire, alors autant te reposer un peu.

Dahlia attendit qu’il s’installe sur le drap qu’elle avait trouvé sur un fil à linge et « emprunté » pour l’occasion. Nicolas lui paraissait si beau qu’elle avait peur de dire des choses trop révélatrices. Elle choisit donc de se taire en le regardant dévorer le poulet, le riz et les haricots qu’elle avait achetés chez un petit traiteur à quelques kilomètres de là. Elle avait marché longuement et avait dû se mêler à la clientèle le temps de décider de ce qui plairait à Nicolas, mais cela en avait valu la peine, car il semblait vraiment apprécier ce repas improvisé. Une bouffée de fierté l’envahit, mêlée d’une sorte de satisfaction conjugale parfaitement hors de propos et fort embarrassante. Mais elle ne pouvait s’empêcher de sourire jusqu’aux oreilles. Les quelques heures de sommeil lui avaient fait du bien. Elle se sentait beaucoup mieux, et de nouveau capable de faire face. Elle avait honte de son accès de colère, et espérait que ses efforts domestiques rattraperaient sa conduite de la matinée.

— Je n’ai vu aucun signe de Calhoun, reconnut Nicolas tout en finissant les haricots. Mais la maison est sévèrement gardée, ce qui ne serait pas nécessaire s’il était mort ou s’ils le séquestraient ailleurs. Je crois que nous avons de bonnes chances de le retrouver en vie, Dahlia.

— Tu crois que certains de ces hommes sont comme nous ? Des GhostWalkers ?

Elle utilisa sciemment ce mot pour l’essayer. Pour voir s’il lui convenait. Pour entrer dans le groupe, elle, la solitaire.

— Si je te demande cela, reprit-elle, c’est parce que Jesse est télépathe. Je ne peux pas l’atteindre, mais peut-être que toi, tu le peux.

Nicolas y avait songé plusieurs fois au cours des longues heures qu’il avait passées, allongé au soleil, à observer la maison. Il craignait un piège. Il était persuadé que les hommes qui avaient enlevé Jesse Calhoun avaient voulu que Dahlia les suive. Tout avait été trop facile. Ils s’attendaient à ce qu’elle tente de sauver son contact. Nicolas ne pouvait imaginer que Calhoun se soit volontairement fait tirer dans la jambe pour les mystifier, lui et Dahlia. Il ne savait pas si l’agent du NCIS était au courant de ce qui se tramait, mais les hommes étaient trop bien entraînés et trop lourdement armés pour ne pas dépendre d’une organisation aussi bien financée que malfaisante.

— Je n’en sais rien. Je peux atteindre une personne si j’ai déjà établi un lien avec elle, mais, malheureusement, Calhoun et moi n’en avons pas eu le temps. S’il y a d’autres télépathes dans la maison, ils risquent d’intercepter la communication. Je ne veux pas prendre le risque de les informer de notre présence. Ils pourraient tuer Calhoun sans nous laisser le temps de le sortir de là.

— Je peux me glisser parmi eux incognito, Nicolas.

Il leva brusquement la tête, ses yeux noirs devenant comme de la glace.

— Je n’en doute pas, Dahlia, mais ce n’est pas de cette manière que nous allons nous y prendre.

Dahlia se força à ne pas tiquer face au ton autoritaire de sa voix.

— Ne joue pas au militaire avec moi. C’est mon problème, tu te rappelles ? Je pense que je peux pénétrer discrètement dans la maison et vérifier qu’il s’y trouve avant que tu entres en action. Pourquoi prendre le risque si Jesse n’est pas là ? Ce serait stupide.

Nicolas avait une furieuse envie de la secouer. Elle était assise en face de lui, calme et déterminée. Non, entêtée, plutôt. Elle avait un air entêté. Il n’y avait pas d’autre mot.

— Tu crois que tu es raisonnable, Dahlia, mais tu es têtue. Oublie cela. Ce n’est pas négociable.

— Exactement. Je suis heureuse que nous soyons sur la même longueur d’ondes. Reste en couverture et fais ce que tu sais faire. Colle ton œil au viseur et protège-moi, et je me glisserai dans l’obscurité de la maison pour voir ce qui s’y trouve. Ils n’ont certainement pas eu le temps d’installer un système d’alarme complexe et, de toute façon, j’en ai déjà désactivé des centaines.

— J’en suis sûr. Donc tu penses que je devrais te laisser te jeter dans la gueule du loup, face à au moins quatre hommes rompus aux tactiques de combat. (Il leva la main sans lui laisser le temps de répondre.) Parce que, personnellement, je ne vois aucune logique à t’envoyer là-bas, sachant qu’on y torture Calhoun. Quel genre d’énergie génère-t-il, à ton avis ? Et ces quatre hommes ? Franchement, je trouverais aberrant d’y envoyer une femme de ta taille, incapable de le porter pour le sortir de là, et qui plus est avec les problèmes dont tu souffres. Tout ce que tu arriverais à faire, c’est une crise de tachyphalaxase, et je devrais vous tirer tous les deux de la maison.

Il l’avait blessée. Il le lut dans ses yeux avant que ses cils s’abaissent. Il avait suffi d’un regard pour que ses entrailles se contractent.

— Bon sang, Dahlia. Je te dis la vérité, et tu le sais. Si tu entrais seule dans cette maison, ce serait du suicide. Ne me regarde pas comme ça, tu sais que j’ai raison.

La jeune femme joignit l’extrémité de ses mains.

— Cela pourrait arriver. Je ne le nie pas. D’un autre côté, j’ai toujours refusé de vivre dans la peur. Que pouvons-nous faire d’autre ? Je peux brouiller mon image et me glisser dans des endroits minuscules. Crois-moi, ils ne me verront pas. L’autre solution, c’est…

Elle s’interrompit et leva les yeux vers lui, les mains tendues en un geste d’impuissance.

— Je vais y aller. Je suis un GhostWalker, Dahlia. J’ai moi-même quelques talents.

— Mais tu peux me protéger grâce à ton fusil. Je ne suis pas sûre de pouvoir faire de même pour toi. J’ai appris à me servir d’une arme, et je peux toucher une cible, mais je ne suis pas certaine de pouvoir tirer sur un être humain. Je pourrais essayer, Nicolas, mais les répercussions seraient si terribles que la simple intention de donner la mort me submergerait d’énergie négative. Tu as vu ce que ça pouvait donner.

— En effet, acquiesça-t-il d’un ton ferme.

Jamais plus il ne voulait ressentir une chose pareille.

— Dans le bayou, j’ai voulu aider Jesse pour les empêcher de lui faire plus de mal. Je n’avais pas l’intention de leur faire prendre feu, je voulais simplement les effrayer pendant qu’ils s’enfuyaient avec lui. Quand l’énergie est aussi intense, je ne contrôle plus rien. Je risque d’incendier la maison, et Jesse et toi avec.

Dahlia essaya de garder une voix assurée. Elle ne s’était jamais sentie aussi inutile. Nicolas avait réussi à la réduire à l’état de poids mort. Elle détourna les yeux et les riva sur les arbres tout en respirant profondément pour maintenir ses émotions sous contrôle. Elle avait besoin de se retrouver seule, de retourner dans son refuge du bayou. C’était le seul endroit qu’elle connaisse. Le seul où elle se sente chez elle.

— Dahlia, dit Nicolas en tendant la main pour essuyer les larmes qui coulaient sur son visage. Je ne peux pas changer ma nature, pas même pour toi.

Elle détourna brusquement la tête pour éviter le contact de ses doigts.

— Je ne comprends pas ce que tu veux dire.

— Cela signifie que je passe toujours le premier. Que les missions dangereuses sont pour moi. Je respecte un code très strict, c’est pour moi une question d’honneur.

Elle resta assise en silence pendant quelques minutes avant de se décaler vers le tronc de l’arbre le plus proche pour lui laisser la place de s’allonger.

— Ça ne change rien à ce que tu viens de dire : je ne serais ni plus ni moins un fardeau pour toi si j’y allais. Pour toi et pour Jesse.

Nicolas soupira et se coucha sur le drap en posant sa tête sur les genoux de Dahlia. Cette dernière ne protesta pas et enfouit immédiatement les doigts dans ses cheveux. Elle prit quelques mèches entre son pouce et son index et les lissa.

— Je n’ai pas parlé de fardeau, Dahlia. Tu ne seras jamais un fardeau pour moi. Il faut que je le fasse à ma manière. Comme j’ai appris à travailler. Il existe un domaine où tu es très forte. Là, c’est le mien.

Elle s’adossa contre le tronc.

— Qu’est-ce que je suis censée faire pendant que tu seras dans la maison ?

— Tu attends. S’il est vivant, il faudra l’évacuer rapidement. Il aura besoin de soins médicaux. Nous devrons contacter tes collègues du NCIS et le transporter à l’hôpital.

La voix de Nicolas était somnolente. Dahlia regarda son visage parfaitement sculpté et passa le bout des doigts le long de sa forte mâchoire.

— Je n’ai pas de collègues. Je travaille pour eux, mais je ne fais pas partie de l’organisation. Ce n’est pas la même chose. Jesse est membre du NCIS ; moi, je ne suis personne.

Il essaya d’analyser la voix de la jeune femme. Était-ce l’amertume de la solitude qu’il discernait dans son ton ? À moins que ses mots n’aient touché une corde sensible. Même lors de sa formation, il s’était senti à part, jusqu’à ce qu’il tente d’apprendre à maîtriser le don de guérisseur qui était en lui, si ce que lui avaient dit ses deux grands-pères était vrai. Il s’était porté volontaire pour l’expérience de Whitney, surtout dans l’espoir d’ouvrir son esprit à l’art de la guérison. Il avait développé de nombreux talents psychiques et, pour la première fois de sa vie, s’était senti à sa place au milieu d’autres personnes. Mais, à sa grande honte, il ne parvenait toujours pas à exploiter le talent puissant dont ses grands-pères étaient certains qu’il les possédait.

Il prit la main de la jeune femme et la serra.

— Tu n’es pas personne, Dahlia, tu es une GhostWalker. Ils t’ont engagée pour tes qualités exceptionnelles. Nous ne nous en sortons pas trop mal pour deux grands solitaires, non ?

Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Dahlia.

— Au moins, j’ai appris à ne pas te brûler les doigts.

Un petit vent se leva sur le Mississippi et aida à dissiper la chaleur de la journée.

— Je me sens bien avec toi, Dahlia. Doigts brûlés ou pas.

Elle le regarda. Les yeux de Nicolas étaient fermés, et sa voix endormie se muait petit à petit en murmure. Nicolas avait quelque chose d’apaisant. Elle s’était efforcée de trouver la paix dans sa vie, de s’ériger un sanctuaire, mais toujours dans la solitude de sa maison et du bayou, sans aucune compagnie. Elle n’avait jamais réussi à passer plus d’une demi-heure avec Milly, Bernadette ou Jesse. Pourtant, elle était presque continuellement avec Nicolas, et plus ils avaient de contacts physiques, mieux elle semblait supporter cette proximité.

Elle garda le silence pour l’aider à s’endormir. Il ne paraissait jamais souffrir des effets de la fatigue, mais il avait tout de même les traits tirés. Elle passa doucement les doigts sur les lignes de son visage, puis recommença à lui caresser les cheveux. Elle avait besoin de le toucher. Elle en avait envie. Il ne dormait pas profondément. Elle savait qu’il devait être conscient des libertés qu’elle était en train de prendre, mais elle s’en moquait. Qu’il dorme, et qu’il rêve d’elle.

Les doigts de Dahlia glissèrent sur sa poitrine, des doigts ravissants mais plus forts qu’il l’aurait imaginé. Plus ensorcelants. Ils scandaient sur sa peau un rythme sensuel qui raidissait ses muscles et intensifiait son plaisir. Dahlia lui paraissait petite et fragile, mais ses gestes n’étaient pas innocents. Ils étaient même exigeants. Le vent nocturne jouait sur sa peau, atténuant la chaleur qui montait en lui, exacerbant ses sensations.

Nicolas savait qu’il se trouvait entre le sommeil et l’éveil, quelque part dans la zone floue qui sépare ces deux états. Peut-être était-il en train de contrôler son rêve. Il en était capable. Mais il s’en fichait et refusait d’analyser ce qui lui arrivait. Le contact de Dahlia importait plus que son désir de savoir ce qui était réel ou pas.

Il l’entendit murmurer, un bruit plus doux que le plus petit souffle de vent, et sentit la chaleur de son haleine sur son visage. Les lèvres de la jeune femme effleurèrent les siennes. Légères, provocantes…, de petits baisers veloutés qui l’hypnotisaient. Elle lui mordilla la lèvre inférieure. Sa langue traça le contour de sa bouche. Le cœur de Nicolas se mit à tambouriner, et son écho résonna dans son crâne comme autant de coups de tonnerre.

Il posa la paume sur l’arrière du crâne de Dahlia, écrasa ses cheveux soyeux entre ses doigts et la maintint fermement contre lui. Pourquoi avait-il toujours l’impression qu’elle était constamment sur le point de lui échapper ? Il était en train de rêver. C’était son rêve à lui, et il avait envie de l’embrasser. Il s’empara de la jeune femme. Il se noya dans sa douce chaleur. Il renonça définitivement au sommeil, car il voulait que ce moment soit bien réel, pour se régaler de son goût et de sa texture.

— Dahlia, murmura-t-il contre sa peau, inhalant son odeur jusqu’au plus profond de ses poumons. Qu’est-ce que tu fais ?

— Je perds la tête, lui répondit-elle sur le même ton. (Sa bouche en feu déversait de la lave en fusion dans les veines de Nicolas.) Juste une fois, je voulais me sentir femme. Tu étais si beau, si paisible, et la nuit est si parfaite que j’en ai presque oublié ce que j’étais. (Elle leva la tête et résista à sa poigne, ses yeux noirs emplis de chagrin.) Il est temps de se réveiller.

Nicolas lui prit le visage entre ses mains et la maintint immobile. Il comprenait ce qu’elle voulait dire, mais n’avait aucune envie de laisser son rêve s’évanouir.

— Nous étions éveillés depuis le début, Dahlia.

Il lui embrassa doucement les paupières. Le bout du nez. Les coins de la bouche.

— Tu es une GhostWalker, il n’y a rien de mal à cela.

Elle recula et s’adossa contre un tronc.

— Pour un homme si raisonnable la plupart du temps, tu n’es pas très réaliste lorsqu’il s’agit de moi. Tu as pris un énorme risque sur le ferry. La violence s’est diluée dans l’énergie sexuelle, mais elle aurait aussi bien pu te brûler lorsqu’elle a explosé. Est-ce que tu te rends compte que cela aurait facilement pu arriver ? (Elle appuya une main sur sa bouche.) Moi, oui.

— Bien sûr que j’y ai pensé, Dahlia. Mais quelle alternative avions-nous ? J’imagine que j’aurais pu te jeter à l’eau, ou te laisser avoir une crise sous les yeux de tous les passagers. Sous mes propres yeux. Je peux lire dans tes pensées, tu te rappelles ? Je savais que, si cela arrivait, tu ne voudrais plus jamais me regarder en face.

Dahlia releva brusquement la tête, les yeux brillants de colère.

— Donc tu as préféré risquer ta vie plutôt que de me faire subir une petite humiliation ? Bon sang Nicolas, c’était complètement stupide. Je n’ai pas besoin d’un chevalier servant.

C’était totalement faux : personne n’en avait plus besoin qu’elle. Pire encore, la pensée du risque qu’il avait pris pour elle la faisait presque frissonner. Elle se massa les tempes.

— Tu te rends compte que tu aurais pu me violer devant tout le monde ?

Elle prononça ces mots sur un ton volontairement dur, pour le chasser de son monde onirique, afin qu’elle en sorte elle aussi.

Nicolas se redressa, un sourire ironique au coin des lèvres.

— En fait, non, cela ne m’a pas traversé l’esprit. J’ai eu un choc quand j’en ai pris conscience. Désormais, nous savons ce qui peut se produire lorsque deux énergies s’entrechoquent. Et toi, qu’as-tu ressenti ?

Le visage de Dahlia prit une teinte écarlate.

— C’est hors de propos. Nous n’aurions pas dû essayer sans savoir ce qui allait se produire. (La voix guindée qu’elle venait de prendre lui faisait horreur.) Il n’est pas temps que tu y ailles ?

Nicolas jeta un coup d’œil à sa montre.

— Je veux qu’ils soient fatigués et négligents. De plus, la conversation commençait à devenir passionnante.

— Tu n’abandonneras pas tant que je n’aurai pas répondu, n’est-ce pas ? Je te croyais gentleman.

— Seulement lorsque cela sert mes objectifs, répondit-il sans hésiter.

Dahlia leva les yeux au ciel.

— Je ressentais la même chose que toi, puisque tu tiens tant à le savoir. Je me sentais agressive et déchaînée.

— Donc tu avais envie d’arracher mes vêtements.

— Ce n’est pas drôle, Nicolas. Cela aurait pu très mal tourner.

— Mais ça n’a pas été le cas.

Il serra son corps musclé contre celui, plus menu, de la jeune femme. Il lui effleura la joue du bout des lèvres et, de ses dents, taquina sa lèvre inférieure jusqu’à ce qu’il la sente se détendre à son contact.

— Parce que nous avons contrôlé ces sensations. Non sans mal, mais ça a fonctionné. Nous ne nous sommes pas sauté dessus comme des sauvages et tu n’as pas eu de crise. Nous savons que nous pouvons diluer l’énergie violente en la mélangeant à une énergie d’un autre genre. La prochaine fois, je me contenterai de te raconter des blagues coquines.

Elle posa les mains sur les siennes.

— Tu prends trop de risques, Nicolas. J’ai eu si peur pour toi.

Il discerna une petite nuance dans la voix de la jeune femme, qui lui chamboula l’estomac.

— C’était toi qui étais en danger, Dahlia. Je suis immensément plus fort que toi, et on ne peut pas vraiment dire que tu me résistais.

— Tu ne te le serais jamais pardonné, Nicolas. Je vis avec ça depuis toujours. J’ai commis des actes inavouables. C’était chaque fois des accidents, mais au bout du compte, c’était ma responsabilité, car je n’étais pas capable de contrôler mes propres émotions ou la masse d’énergie qui s’accumulait en moi. Ta vie est basée sur la discipline. Tu ne vois donc pas que mon existence est un chaos permanent ? Je m’efforce de rétablir l’ordre, mais je dérange le flux naturel d’énergie. Comme je ne peux pas l’empêcher, j’ai fait tout mon possible pour tenter de la disperser. Sinon, la douleur aurait fini par me rendre folle. J’ai dû apprendre à rétablir l’équilibre, car c’était le seul répit que je trouvais face aux effets de l’accumulation d’énergie. Cela ne changera jamais. S’il existait un moyen de modifier cela, je l’aurais déjà trouvé.

— Dahlia, je vais entrer dans cette maison et évacuer Calhoun. Tu as intérêt à être ici lorsque je reviendrai. Si tu t’enfuis, je te retrouverai, et crois-moi, tu découvriras que je ne suis pas toujours maître de mes émotions. Alors si tu avais dans l’idée de prendre la poudre d’escampette pour me sauver de moi-même, tu peux oublier. (Il la saisit par les épaules et la secoua légèrement.) Je suis adulte. Je prends mes propres décisions. Il n’est pas question que je te laisse me « protéger », pas plus que tu ne veux que je te protège. Compris ?

Dahlia soupira. Elle aurait voulu être fâchée à l’idée qu’il lise aussi clairement dans ses pensées, mais elle était inexplicablement ravie qu’il insiste tant pour qu’elle l’attende.

— Tout à fait. Mais par pitié, ne te fais pas tuer. J’en deviendrais folle, et si ça se trouve, je ferais brûler la moitié de la Louisiane.

Il sortit son portable.

— Ne fais pas brûler ceci. Nous en avons besoin.

— Dans ce cas, pourquoi me le donnes-tu ? demanda-t-elle en laissant tomber le petit téléphone sur la nappe.

— Il te sera peut-être utile. Le numéro de Lily est en mémoire.

Dahlia regarda le portable avec intérêt. Lily était à l’autre bout du fil. La véritable Lily, pas un produit de son imagination. La tentation de composer le numéro était presque aussi forte que la peur qui l’envahit soudain. Sa bouche était sèche.

— Sois prudent, Nicolas. Ne sois pas trop sûr de toi. C’est un de tes défauts.

— C’est faux, protesta-t-il. (Il saisit le menton de Dahlia et déposa un baiser furtif sur ses lèvres.) Écoute-moi, pour une fois, Dahlia. Si quelque chose tourne mal, quoi que ce soit, tu te sauves sans demander ton reste. Tu as le portable et le numéro. Appelle Lily. Les GhostWalkers arriverons aussi vite que possible.

Elle l’attrapa avant qu’il ait eu le temps de s’éloigner.

— Toi aussi, tu vas m’écouter pour une fois, Nicolas, S’il arrive quelque chose, ne joue pas les héros. Bats en retraite sans hésiter, et en un seul morceau, si possible. Nous appellerons Lily, et elle pourra toujours nous envoyer tes amis.

Il la regarda pendant ce qui sembla une éternité, un moment hors du temps. Ses traits s’adoucirent, et une lueur de tendresse illumina l’obsidienne de ses yeux.

— J’ai compris. Je reviendrai.

Nicolas sentit les doigts de la jeune femme lui serrer un instant le bras avant de lâcher prise. Il n’emporta que le minimum de matériel, car il voulait entrer et ressortir aussi vite et aussi discrètement que possible. Il se glissa dans l’eau, et sa silhouette noire remonta le courant en direction de la maison. Il ne faisait aucun bruit, et pas une éclaboussure ne risquait de trahir sa position. Le courant était puissant, mais il restait près de la rive et progressait entre la végétation et les rochers. Seule sa tête dépassait de la surface. Ses yeux étaient grands ouverts et braqués sur le garde qui faisait face à la rivière. Caché entre des rochers et des broussailles, il savait qu’il était parfaitement indétectable.

La tension monta en lui. C’était un signe qu’il avait appris à interpréter comme un avertissement. Le garde scruta la surface noire de l’eau pendant quelques minutes, puis s’éloigna. Ayant passé la journée à observer sa routine, Nicolas savait qu’il allait bientôt disparaître dans le halo de la fumée d’une cigarette. Il attendit le moment qu’il savait proche, et, à l’instant où l’allumette s’embrasa, il sortit de l’eau pour prendre pied sur la rive, à quelques mètres de la maison. Il était complètement à découvert. Il se plaqua contre le sol et se fondit dans le terrain rocheux, progressant centimètre par centimètre.

Pendant la journée, tapi dans le fleuve, il avait minutieusement réfléchi au chemin qu’il emprunterait en rampant. Il savait précisément où il irait et ce qu’il rencontrerait en route. Il n’y avait aucun chien pour flairer sa présence, et le garde s’ennuyait et pestait intérieurement contre le rôle qui lui avait été confié, mais Nicolas prit tout de même son temps. Il avait remarqué que l’un des gardes était plus attentif que les autres. Il observait les alentours avec sérieux et réprimandait occasionnellement ses collègues.

Il avança en direction du périmètre de la maison et découvrit un petit câble tendu au ras du sol, entre deux arbres. Deux fois déjà, il avait aperçu un éclair de lumière à cet endroit, et il se doutait qu’un système de sécurité improvisé devait avoir été installé. Le fil était trop près du sol à son goût. Il ne pouvait pas se glisser dessous comme il l’aurait souhaité. Il allait devoir passer par-dessus, et donc se redresser sans faire bouger le moindre brin d’herbe.

Nicolas attendit dans l’obscurité, respirant en silence, tous les sens en éveil, tentant de percevoir du mouvement dans la nuit. Un bruit lui provint du coin de la maison. Quelqu’un venait vers lui. Le seul garde prenant sa tâche au sérieux était en train de faire sa ronde avec sa méticulosité habituelle. Nicolas fit glisser sa main le long de sa jambe et la posa sur le manche de son couteau. Soucieux de ne faire aucun bruit, il tira l’arme du fourreau attaché à son mollet. Utiliser la pression psychique était toujours une manœuvre risquée. Il poussa mentalement le garde à regarder de l’autre côté, en prenant bien soin de ne pas trop insister. S’il rencontrait une résistance ferme, il devrait arrêter sur-le-champ. Certaines personnes se laissaient très facilement influencer, même par les suggestions les moins appuyées. D’autres, dotées de barrières plus solides, résistaient et pouvaient même devenir méfiantes ou mal à l’aise. Elles regardaient alors autour d’elles et secouaient la tête pour lutter contre l’influence extérieure qui tentait de les forcer à agir contre leur gré.

Un cri retentit dans la maison. Les insectes nocturnes se turent instantanément. Le garde posté sur le porche jeta sa cigarette et se pencha pour interpeller son collègue en train de faire sa ronde.

— Il ne dira rien. Pourquoi est-ce que Gregson ne le tue pas, qu’on en finisse ?

— Ferme-la, Murphy, et retourne à ton poste.

Le dénommé Murphy jura et s’écarta de la balustrade.

— Avec tous ces cris, Paulie, tu ne crois pas que les voisins ne vont pas tarder à appeler la police ?

— Vu la distance entre les maisons, le temps que quelqu’un l’entende, Gregson l’aura tué et on sera tous loin d’ici.

Paulie cessa de marcher et recula pour mieux voir son interlocuteur. Ses bottes n’étaient qu’à un mètre cinquante de la tête de Nicolas.

— Et arrête de beugler, la fille pourrait se pointer.

Murphy revint à la balustrade, l’air renfrogné. Il lança un regard noir à Paulie.

— À mon avis, si elle découvre où nous sommes, ce sera plutôt à cause des hurlements.

Paulie agita son fusil. C’était un geste discret, mais sa signification était très claire.

— T’as vraiment rien dans le bide, Murphy. Fais ton boulot, c’est tout.

Murphy cracha par-dessus la balustrade et s’éloigna en faisant craquer lourdement le bois sous ses bottes.

Paulie resta un moment à regarder la maison, puis reprit sa ronde tout autour, restant à l’intérieur du périmètre formé par le câble. Il passa à quelques centimètres de Nicolas. Il ne regarda pas le sol mais continua à scruter l’obscurité devant lui.

Nicolas resta immobile jusqu’à ce que Paulie ait tourné au coin de la maison, puis se leva et enjamba le fil. Presque immédiatement, Murphy se retourna sur le porche. Nicolas se figea et lui ordonna mentalement de détourner les yeux. Les cris s’étaient tus, mais la situation mettait Murphy visiblement mal à l’aise. Il alluma une nouvelle cigarette et regarda la rivière, les yeux dans le vague. Enfin, il s’éloigna de la balustrade avec nervosité et Nicolas put reprendre sa progression en direction de la maison.

Les fenêtres latérales étaient verrouillées, mais cela ne représentait pas un obstacle pour le soldat. Il avait appris à forcer les serrures. Il s’agissait d’un mécanisme simple à glissière. Avec tous les exercices que Lily avait imposés aux GhostWalkers, une tâche aussi insignifiante ne lui provoquait même plus de maux de têtes.

— Fiche-le camp d’ici, Dahlia. C’est un piège.

La voix masculine était faible et teintée de douleur, mais elle sonnait comme celle d’un homme habitué à donner des ordres et à se faire obéir.

Jesse Calhoun avait dû sentir le pic de puissance lorsque Nicolas avait manipulé le verrou.

— Je ne suis pas Dahlia. Est-ce qu’il y a des télépathes parmi les gardes ?

Nicolas perçut la surprise de Jesse, qui se déconnecta immédiatement.

— Allez, je n’ai pas beaucoup de temps avant que le garde revienne de ce côté de la maison. Dahlia est cachée près d’ici.

— Vous êtes le tireur du sanatorium. Vous avez complètement chamboulé leurs plans.

— Combien sont-ils à l’intérieur ?

— Quatre, et je ne sais pas combien dehors, mais la maison est bien surveillée. Il y a aussi des détecteurs dans les pièces. De toute façon, je suis fichu. Vous ne pouvez pas me sauver, j’ai perdu trop de sang et j’ai les jambes en bouillie. Sauvez Dahlia.

— J’arrive.

Calhoun poussa un cri de douleur, un long hurlement qui déchira les entrailles de Nicolas. Il ne savait pas si Gregson était dans la pièce en train de torturer Jesse, ou si ce dernier n’avait crié que pour couvrir le bruit de sa progression. Nicolas en profita néanmoins pour ouvrir la fenêtre coulissante et se glisser dans la maison. Il déclencha mentalement toutes les alarmes puis escalada le mur jusqu’au plafond, sachant qu’ils se lanceraient à sa poursuite. Ils ne sauraient pas dans quelle pièce il se trouvait, et devraient les fouiller toutes, ce qui diviserait leurs forces.

Il se colla au mur comme une araignée, les paumes collées à la pierre, les orteils enfoncés dans les fissures, et se déplaça jusqu’au coin qui surplombait la porte. Il n’eut pas à attendre longtemps. La porte s’ouvrit à toute volée, et une silhouette sombre dans le couloir se mit à tirer. Les balles percutèrent le mur et le plancher et firent voler les vitres en éclat.

L’homme entra dans la pièce et l’éclaira à l’aide de sa lampe torche. Nicolas sauta par terre derrière lui. Il atterrit sur la pointe des pieds et empoigna le couteau qu’il tenait entre les dents. Les autres hommes criblaient de balles diverses pièces de la maison. Nicolas se redressa derrière son adversaire, telle une ombre silencieuse assenant son coup mortel, et disparut presque aussitôt. Il fit une roulade dans le couloir et s’enfonça dans l’ombre d’une alcôve en entendant des pas pesants de bottes. Nicolas grimpa sur un large meuble fixé au mur et se cacha dans l’obscurité, la main resserrée sur la forme familière de la crosse de son Beretta.

— C’est elle, bon Dieu, grogna une voix. Retourne auprès de Calhoun et pointe-lui un couteau sur la gorge. Si elle arrive jusqu’à lui, menace de le tuer. Ça la calmera.

Un silence de mort envahit alors la maison. Nicolas écouta le pas lourd des bottes se diriger vers la pièce où Calhoun était détenu. Deux hommes approchaient de la cachette de Nicolas, en réponse à l’ordre donné par Gregson.

Nicolas avertit le prisonnier des intentions de leurs ennemis.

— Il arrive pour vous mettre un couteau sous la gorge. Ne faites rien. Je m’occupe de lui.

— Je vous répète que vous perdez votre temps. Fichez le camp d’ici pendant que vous le pouvez encore.

Même par télépathie, la voix de Calhoun vacillait.

— Est-ce que vous pouvez maîtriser celui qui vient vers vous ?

— Trop faible. Peux même pas lever les bras.

Nicolas voyait les hommes évoluer comme des ombres le long de l’étroit couloir. C’était une situation dangereuse pour eux, et ils le savaient. Ils se tapissaient dans l’embrasure des portes pour chercher à se protéger, mais se méfiaient des pièces sombres depuis qu’ils avaient trouvé le cadavre de leur camarade.

— Vous êtes un GhostWalker, Calhoun, tout comme moi, tout comme Dahlia. Éloignez-le de vous. Faites-moi gagner un peu de temps.

Nicolas fit sonner cela comme un ordre. Calhoun était un Navy SEAL. Même s’il travaillait désormais pour le NCIS, il resterait toujours un soldat. Il savait ce qu’était un ordre, et il obéirait jusqu’à son dernier souffle.

Nicolas ne manqua pas de remarquer que Calhoun ne lui avait pas demandé ce qu’était un GhostWalker. Il avait donc déjà entendu ce terme auparavant, et c’était une information qui valait son pesant d’or. Seules quelques personnes triées sur le volet et habilitées secret défense savaient ce que ce nom signifiait. Mais Jesse Calhoun n’avait pas fait partie du groupe d’entraînement de Nicolas. D’où venait-il ?

Les lumières s’allumèrent. Cela ne l’avantageait pas. Les fantômes évoluent dans l’ombre. Nicolas se concentra sur le disjoncteur, dans l’espoir de le faire sauter. Ce n’était pas facile. Contrairement à certains de ses collègues, il n’avait pas ce talent, mais les ampoules commencèrent tout de même à exploser dans un fracas d’étincelles et de verre brisé. Une fois les câbles fondus, la maison se trouva de nouveau plongée dans l’obscurité. Des flammes commencèrent à lécher les murs jusqu’au plafond, projetant des ombres orangées tout autour d’elles. Nicolas n’était pas capable de générer une telle chaleur. Dahlia était en train de l’aider en concentrant l’énergie et en la dirigeant à sa guise. Et comme toujours avec Dahlia, les résultats dépassaient largement ses intentions initiales.

Nicolas attendit que les deux hommes soient passés devant lui avant de se glisser sans bruit sur le sol, échangeant le Beretta contre un couteau. Il avança dans le couloir, derrière ses proies qui lui montraient le chemin, en marchant exactement au même rythme qu’eux. L’homme de tête poussa une porte sur la gauche, et Nicolas sentit immédiatement une odeur de sang. Entêtante, doucereuse. Mais l’odeur d’infection était encore pire. Comme le fantôme qu’il était, il se plaça directement derrière l’homme le plus proche de lui, lui coinça le cou de son bras musclé et enfonça profondément sa lame.

Nicolas perçut une poussée de puissance. Jesse Calhoun tentait de focaliser sur lui l’attention de l’autre garde, qui se dirigeait vers le lit, un couteau à la main. Nicolas posa le cadavre par terre et s’avança. Il rattrapa le garde avant que celui-ci atteigne le blessé et le laissa s’écrouler bruyamment sur le sol, sans vie.

— Nicolas Trevane, se présenta-t-il.

Il guetta un signe de reconnaissance de la part de Calhoun, sachant que le programme GhostWalker n’avait pas ratissé large.

— Je sais qui vous êtes, répondit Jesse.

Sa voix était extrêmement ténue. Le simple fait de parler semblait l’épuiser.

— Sortez Dahlia de là. Il ne faut pas qu’ils s’emparent d’elle.

Nicolas lui fit signe de se taire. Il sentait la présence de Dahlia. Il lui avait pourtant demandé de rester aussi loin que possible de la maison, afin que l’énergie générée par l’inévitable violence ait le temps de se dissiper naturellement avant qu’il la fasse venir. Il attendit dans l’obscurité, effrayé pour elle, se demandant si elle était malade, alors qu’à quelques mètres de lui Jesse Calhoun gisait sur son lit, mourant. Il entendit Gregson crier un ordre à ses hommes, puis une pluie de projectiles traversa le mur. Nicolas se jeta par terre et tendit la main pour tirer le blessé hors du lit.

L’agent était déjà inconscient lorsqu’il toucha le sol. Nicolas fit tomber le matelas pour offrir une protection supplémentaire au blessé tandis que les balles creusaient de gros trous dans le mur au-dessus d’eux. Il battit en retraite jusqu’à la fenêtre. Les tirs avaient brisé les vitres, et seuls quelques éclats acérés étaient encore accrochés au cadre. Il les cassa avec la crosse de son fusil et se glissa au-dehors pour atteindre le toit. Il se retrouva juste au-dessus de Murphy. Ce dernier était penché par une fenêtre pour tenter de voir ce qui se passait à l’intérieur.

Nicolas se figea, conscient des secondes qui s’écoulaient. Des secondes dont Jesse Calhoun ne disposait pas. Il sauta dans le noir sans laisser à Murphy le temps de faire usage de son arme. Son couteau trouva directement sa cible, et il s’éloigna aussitôt dans l’ombre pour traquer Paulie.

La balle jaillit de la nuit et lui rogna l’épaule, lui arrachant un peu de chair au passage. Le choc le fit pivoter, mais il profita de cet élan pour franchir le toit et retomber sur le plancher de la terrasse. Il atterrit sur ses pieds, accroupi, et roula sur le sol pour atteindre le couvert relatif d’une série de bacs à fleurs.

— Elle est coincée, Paulie, cria Gregson. Elle est sur la terrasse.

Nicolas rampa à reculons jusqu’à ce que ses bottes entrent en contact avec la balustrade. Les GhostWalkers préféraient avoir l’avantage de la hauteur, mais, à défaut, il se contenterait du ras du sol.

— Ce n’est pas la fille, Gregson, rectifia Paulie. Trop grand. Mais je crois que je l’ai touché. Laisse-moi une minute pour me mettre en position, et ensuite on en finit.

Nicolas sauta par-dessus la balustrade et atterrit sur le sol, juste en dessous de la véranda. Il suivit le chemin emprunté par le garde et fit le tour de la maison jusqu’à ce qu’il arrive près de l’endroit d’où était venue la voix de Gregson. Il attendit en comptant les secondes et tenta de persuader l’homme de parler à nouveau.

Gregson aimait avoir le contrôle de la situation, et la persuasion de Nicolas porta ses fruits.

— Rabats-le vers moi, Paulie.

C’était tout ce dont Nicolas avait besoin. Ces quelques mots suffisaient à lui indiquer l’emplacement de sa proie. Il sortit son arme et tira d’un geste fluide, déterminé à tuer, pas à blesser. Il se sauva aussitôt et prit le chemin qui menait au coin de la maison.

— Je savais bien qu’il ouvrirait sa grande gueule.

La voix de Paulie résonna à quelques mètres de lui, très bas, comme s’il était allongé contre le sol.

— Et je savais que tu l’aurais.

Nicolas se figea et tenta de discerner d’où venait la voix. Soudain, il sentit une chaleur l’envelopper et la température monter rapidement. Des boules de feu rouge orangé traversèrent le ciel, courant le long du fleuve et se précipitant vers le sol pour y exploser. Nicolas se jeta à plat ventre et roula sur lui-même tout en tirant trois coups de feu en direction de Paulie. La terre tremblait sous la puissance des impacts des boules de feu. Il entendit Paulie pousser un grognement, très loin de son emplacement initial.

Nicolas ferma les yeux et chercha mentalement sa cible. Paulie était en train de ramper dans sa direction, cherchant à s’éloigner de la pluie de feu qui tombait du ciel. Nicolas le suivit, d’abord mentalement, puis au bout de son fusil. Il visa et appuya sur la détente.

Jeux d'esprit
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